À quelques kilomètres de Fort-de-France, un ruban de route sinuant entre canne à sucre et mangroves conduit à un espace singulier : La Savane des Esclaves. Dans ce musée à ciel ouvert, l’histoire de la Martinique se donne à voir, à toucher et à sentir. De la case amérindienne aux jardins créoles en terrasse, chaque détail a été pensé pour faire vibrer la mémoire d’un peuple forgé par quatre siècles de métissages, de luttes et de créations artistiques. Statues grandeur nature, outils agricoles patinés, senteurs de cacao grillé : tout invite à une promenade sensorielle, loin des clichés de carte postale. En 2025, l’adresse est devenue un passage obligé pour les voyageurs qui combinent baignades aux plages de Sainte-Anne et plongées sur les récifs des Anses. Mais au-delà du simple attrait touristique, le site questionne le rapport de l’île à ses racines et propose une lecture émouvante des cultures créoles, servie par la passion contagieuse de son créateur, Gilbert Larose.
La Savane des Esclaves : immersion historique et patrimoniale
Sur un domaine de plus de trois hectares, l’ensemble des espaces raconte le fil chronologique de l’île. Tout commence par les Arawak, peuple amérindien dont la sculpture d’un canot, taillée dans un manguier séculaire, accueille les visiteurs. Vient ensuite la Rue Case-Nègres, reconstitution poignante des habitations en torchis qui abritaient autrefois les esclaves des plantations sucrières. Enfin, un Village Antan Lontan expose la vie rurale après l’abolition, avec ses métiers, ses croyances et son organisation communautaire.
Cette progression recrée les strates d’un récit insulaire, chaque segment bénéficiant de panneaux bilingues, de QR codes audio et d’une bande-son mêlant tambours, contes et chants traditionnels. Les familles apprécient la fluidité du parcours : la vidéo introductive de 30 minutes contextualise les scènes, puis la promenade en autonomie dure environ 1 h 30, ponctuée de zones ombragées, d’aires de repos et d’espaces interactifs.
Pour mesurer le travail colossal entrepris depuis 2000, rien de tel qu’un regard chiffré 👇
Repère historique ⏳ | Événement clé 🔔 | Écho dans le parc 🌿 |
---|---|---|
1500-1635 | Occupation Arawak et Kalinago | Pirogue sculptée, jardin amérindien |
1635-1848 | Mise en place du système esclavagiste | Rue Case-Nègres, outils de canne à sucre |
1848 | Abolition de l’esclavage | Village post-émancipation, école rurale |
1960-1980 | Migrations internes vers les villes | Maison de pêcheur, stand Madras & couture |
2004 | Ouverture au public | Vidéo de Gilbert Larose, plan imprimé |
L’impact émotionnel est renforcé par la présence de statues en bronze patiné, réalisées par l’Atelier Odyssée, représentant des femmes tirant des marres de manioc ou des enfants portant le panier d’ignames familial. Les visiteurs, appareils photo en main, se surprennent à chuchoter face à tant de solennité : une réaction qui illustre la puissance de ce lieu de mémoire.
- 📜 Anecdote : la cloche suspendue à l’entrée de la Rue Case-Nègres provient d’une ancienne sucrerie du François.
- 🌀 Sensibilité : certains panneaux affichent des témoignages rédigés par des descendants d’esclaves, recueillis lors d’ateliers de transmission.
- 🌞 Conseil : prévoir une casquette, car la première partie du parcours, dédiée aux Arawak, est peu ombragée.
Le prochain arrêt mettra à l’honneur l’élégance colorée du Madras et l’artisanat créole, révélant la créativité née en réponse à la contrainte.
Madras, fibres et motifs : l’expression artistique du quotidien
Le tissu Madras, aux carreaux vifs et parfaitement alignés, est devenu l’un des emblèmes vestimentaires de la Martinique. On le retrouve en coiffes, en jupes circulaires ou en nappes festives. Dans le village, une case consacrée à la couture présente des métiers à tisser, des patrons en papier kraft et une exposition de photos d’archives. Ces clichés révèlent l’inventivité des couturières des années 1960, qui réutilisaient les sacs de farine Paul Caraïbes pour créer des vêtements d’enfants lors des fêtes paroissiales.
Des ateliers hebdomadaires, animés par des artisanes de Trois-Îlets, initient les visiteurs à la confection de fleurs Madras épinglées sur un bandeau. Cette activité plait particulièrement aux croisiéristes en escale, désireux de rapporter un souvenir durable et éco-responsable.
À côté, une salle dédiée aux fibres végétales expose le travail du bakoua, palmier nain dont les feuilles souples deviennent chapeaux, nattes ou paniers. La tradition du tressage se transmet encore, notamment lors des journées du Patrimoine, quand d’anciennes ouvrières agricoles viennent partager leur savoir-faire.
- 🎨 Motifs populaires : “kilti flé 🌺”, “échelle créole 🔺” et “chemin d’igname 🟩”.
- 🪡 Matériel fourni : bobines coton, aiguilles fines, rubans satin.
- 🎁 Cadeau souvenir : bandeau Madras brodé du mot “Matnik”.
Le public découvre aussi l’influence des maisons de couture parisiennes qui, dès les années 1980, ont commencé à intégrer des touches de Madras dans leurs collections croisière. Sur un portant, trois pièces prêtées par Aimé Césaire Éditions mêlent lin français et cotonnade créole, témoignage d’un dialogue entre mode insulaire et haute couture.
Plus loin, un panneau interactif compare le Madras martiniquais au tissu Kenté ghanéen : motifs, palette, symbolique. Cette approche globale replace le vêtement dans l’histoire mondiale de la diaspora noire.
Un détour par le mini-magasin permet d’acheter des coupons au mètre, soigneusement empaquetés dans des sacs kraft Rhum JM recyclés — clin d’œil à une autre fierté locale. Entre deux achats, un espace lecture diffuse des extraits d’ouvrages d’ethnologie, dont “Le Chiffon et la Plume”, publication primée aux Caraïbes en 2024.
- 📌 Points forts : proximité avec les artisans, échantillons gratuits, scénographie immersive.
- ⏱️ Durée idéale : 40 minutes pour l’atelier, 15 minutes pour l’exposition.
- 🚰 Pensée durable : fontaine d’eau filtrée, incitant à remplir sa gourde.
Après l’explosion de couleurs, place aux parfums : l’étape suivante mène aux jardins créole et médicinal, véritables encyclopédies botaniques à ciel ouvert.
Jardin créole et pharmacopée naturelle : biodiversité et rituels de santé
Au détour d’un muret en pierre volcanique, surgit une profusion de feuillages : bananiers, girouettes, herbe à piquer, citronnelle. Le jardin créole reconstitue la parcelle polyvalente des cases d’antan : nourriture, remède, parfum et teinture dans un même espace. Les visiteurs sont invités à frotter, humer, voire goûter quelques feuilles sous la supervision d’un guide animateur. On y découvre le chadron béni, utilisée pour soigner la grippe, ou le bois d’Inde dont les feuilles entrent dans la marinade des célèbres colombos.
Un parcours en pas japonais conduit ensuite au jardin médicinal. Chaque plante est associée à une histoire personnelle enregistrée sur des bornes audio : “Mamie Augustina soignait les coliques avec une infusion de zeb a pic”. Cette approche sensible transforme la visite en voyage intime au cœur des mémoires familiales.
- 🌿 Top 5 des remèdes : zibén (diurétique) 💧, pachouli (migraines) 🧠, noni (immunité) 🛡️, cerasee (circulation) ❤️, brédes mafanes (aphrodisiaque) 🔥.
- 🥘 Plantes culinaires : thym citron, basilic grand-feuille, piments végétariens.
- 🦋 Faune associée : colibris, papillons monarques, grenouilles hylodes.
Pour relier environnement et santé, l’équipe s’appuie sur des données de l’Université des Antilles, partenaire depuis 2023 : l’affichage indique l’efficacité pharmacologique mesurée en laboratoires, offrant un pont stimulant entre savoir empirique et science contemporaine.
La dimension durable est au cœur du projet : compost issu des déchets du salon de thé, irrigation goutte-à-goutte alimentée par une citerne de pluie et suppression des produits chimiques. Cette démarche rencontre un écho auprès des familles sensibles à l’écologie, mais aussi des voyageurs de plus en plus nombreux à choisir la Martinique pour son écotourisme, comme l’atteste le portail Biodiversité Martinique.
À la fin du parcours, les plus curieux repartent avec la brochure “Rimèd Razié”, éditée par Gilbert Larose : un véritable carnet de recettes médicinales bilingue créole-français.
La visite se prolonge naturellement vers les senteurs de cacao et les notes boisées du rhum, points d’orgue des sens mis en éveil.
Ateliers cacao, rhum et douceurs créoles : une symphonie gourmande
L’arôme de fèves torréfiées guide les pas vers la manioquerie, où se tient l’atelier cacao. Munis de pilons et de planches à râper en châtaignier pays, les participants transforment les fèves en pâte onctueuse. La préparation se poursuit par le moulage des célèbres “bâtons de cacao” utilisés depuis toujours pour le chocolat chaud du petit-déjeuner. La Chocolaterie Frères Lauzéa prête machines et expertise, garantissant une qualité artisanale.
Juste à côté, un comptoir en bois d’acajou offre une dégustation comparée de trois rhums : Habitation Clément XO vieilli en fût de chêne, Rhum JM cuvée “Héritage” et un punch passion issu du domaine. Les verres tulipe permettent de capter la palette aromatique, pendant qu’un animateur explique la lutte actuelle entre groupes LVMH et Pernod Ricard pour la valorisation de l’appellation AOC, un sujet analysé sur le site LVMH vs Pernod.
- 🍫 Étapes du cacao : fermentation ➔ séchage ➔ torrefaction ➔ broyage ➔ conchage.
- 🥃 Notes olfactives : vanille, canne fraîche, épices douces.
- 🍍 Accords sucrés : sorbet ananas, confiture de gingembre Tropsucat, pâté coco.
Pour clôturer l’expérience, le Tropicat’s Café sert des “Frappés Caraïbes” : glace coco, lait infusé au bâton de cacao et coulis de mangue. La queue est souvent longue, mais un groupe de musique bèlè joue sous le carbet, faisant patienter les gourmands en rythme.